L'agrobusiness


L'agrobusiness

Une présentation de l'industrie capitaliste


L'agrobusiness et la consommation passive de l'alimentation

Lorsqu'on achète un produit non alimentaire, on regarde son prix, sa qualité, qu'on arrive grosso modo à évaluer.

On a également un goût prononcé - on apprécie telle ou telle chaussure, tel ou tel pull, tel ou tel pantalon, etc.

On sait également que le produit est passé par une chaîne de production, que des travailleurs l'ont fabriqué, amené jusqu'au magasin, etc. Que l'entreprise ayant employé ces travailleurs fait du profit, que le magasin fait du bénéfice sur cette vente.

Cette expérience du capitalisme, cette expérience matérialiste faite par les gens, perd énormément en qualité lorsque l'on passe des produits de consommation non alimentaire à des biens alimentaires.

Là, la passivité dans la consommation est encore plus importante. S'il y a des refus parfois chez certains de marques précises (Nike par exemple), le fait que l'alimentation soit absolument nécessaire sur le plan vital immédiat crée comme un brouillard absolu, faisant que le consommateur perd tout sens critique.

La critique des McDonalds s'arrête à la porte des supermarchés. Si les supermarchés proposent telle ou telle nourriture, c'est forcément qu'elle est nécessaire. S'il y autant de viande, c'est qu'il faut en manger. Et c'est logiquement, pense-t-on, qu'on considère qu'on toujours mangé de la viande, alors qu'il s'agit d'une évolution propre au 20ème siècle.

Même dans la tête des personnes plus âgées, la viande apparaît comme un grand progrès matériel, comme une pure et simple élévation du niveau de vie, sans aucunement relier cela, dans son contenu de "viande", à l'importance qu'a pu avoir le capitalisme à privilégier telle consommation et pas une autre.

Cette absence de sens critique est tellement flagrante que même les gens critiquant les chaînes de fastfood McDonalds ou Coca Cola ont le même type de consommation dans les supermarchés lorsqu'il s'agit de l'alimentation.

C'est la première grande thèse de la critique de l'agrobusiness. Dans la société capitaliste, les gens consomment passivement, en possédant des connaissances sur la nutrition extrêmement minimes. Cette méconnaissance permet l'installation d'une consommation organisée par l'agro-business, avec divers effets secondaires odieux (charlatans de la nutrition et de la diététique, etc.)

L'agrobusiness logique productiviste? Ou capitalisme?

Il faut bien distinguer les progrès de l'agriculture (les machines, la productivité plus grande, etc.) des transformations essentielles ayant eu lieu dans la production elle-même.

Critiquer l'agrobusiness ce n'est pas refuser le progrès technique, qui est nécessaire. Il ne s'agit pas d'opposer schématiquement l'exploitation agricole familiale et l'exploitation agricole intensive en capital, d'en arriver au rêve réactionnaire des campagnes d'antan et du lopin de terre pour tous.

C'est pourtant ce que fait la petite-bourgeoisie, adepte de la petite propriété et du capitalisme des débuts. Elle tremble de se voir broyer et ramener au niveau du prolétariat. C'est la petite-bourgeoisie qui parle de "mondialisation" au lieu de capitalisme, qui veut "calmer" les marchés capitalistes, et qui prétend avoir des préoccupations idéologiques et se soucier de la planète.

Tout cela n'est que du vent, car la logique du capitalisme est implacable. Et de toutes manières les besoins de la population mondiale ne peuvent pas s'accommoder d'une logique anti-productiviste mondiale, pour simplement faire plaisir au rêve idéalisé d'une middle-class espérant que le monde restera tel qu'il est.

L'élévation de la productivité est une nécessité, afin de travailler moins et mieux, de fournir davantage de choses positives au monde. Ce qui compte, ce n'est en définitive pas la productivité, mais la production. Quelle production? Quoi produire? Voilà la question essentielle, qui donne du sens à la question: comment produire?

L'agrobusiness est l'agriculture capitaliste.

L'agriculture a modifié le contenu de sa production. Cela se lit dans la consommation, celle par personne et par an des principaux produits d'origine animale.

En France, la consommation de boeuf est passé de 11 kilos en 1950 à 17,1 Kg en 1993, celle de porc frais de 8,3 Kg à 10,1 Kg, celle de jambon de 1,8 Kg à 5,3 Kg, celle de charcuterie, conserves de viande et plats cuisinés de 5,2 Kg à 14,6 Kg, celle de volailles de 6 Kg à 22,2 Kg!

Et si la consommation de lait s'est effondrée durant la même période (105,7 litres en 1950 contre 73,9 litres en 1993, c'est parce que les yaourts et desserts lactés sont passés de 1,7 Kg en 1960 à 24,1 Kg en 1993, et celle de fromage (y compris frais) de 7,8 Kg en 1950 à 24,2 Kg en 1993.

(Source: La consommation des produits animaux en France : tendances et perspectives d'évolution, article de P. COMBRIS de l'INRA, Laboratoire de Recherche sur la Consommation; document disponible sur internet ici)

La consommation de viande est liée au business. C'est pourquoi les animaux sont des biomachines, modifiées génétiquement, bourrés d'antibiotiques, de sédatifs, d'une quantité incroyable de produits pour augmenter leur capacité de croissance voire simplement modifier la couleur de la viande.

La vérité est que la concentration qui a lieu dans l'industrie a également lieu dans l'agriculture et que l'alimentation est une donnée essentielle du mode de vie capitaliste. Les dix premières entreprises agrochimiques contrôlent 90% du marché.

L'agriculture s'est elle-même industrialisée; au sens strict il faut parler de l'industrie agricole. Le paysan a cédé la place à l'agriculteur, lui-même disparaît devant une prolétariat des campagnes.

Il y a en France près de 3% d'exploitants en moins par an (en équivalents temps plein) depuis la fin des années 1990. Les actifs familiaux en agriculture sont 1 155 000 personnes en 2000, alors qu'ils étaient encore 1 870 000 en 1988. Il y a parmi eux 764 000 exploitants (ou coexploitants), contre 1 090 000 en 1988.

Il y avait 664 000 exploitations en 2000 et 600 000 en 2003.

Pourtant l'alimentation se réduit-elle? Naturellement pas. En réalité les bénéfices sont là - mais pour l'industrie agroalimentaire, pas pour ceux qui sont en début de chaîne. La capacité de l'agrobusiness à briser les anciennes formes de l'agriculture se démontre d'autant plus quand on voit que le revenu agricole de 2003 est inférieur de 8% à celui de 1998.

Lénine avait déjà constaté que les gens refusant le concept de révolution étaient obligés de nier que le capitalisme évolue - en étant de plus en plus dominé par les monopoles.

"On prétendit que la concentration de la production et l'évincement de la petite production par la grande ne s'observaient pas du tout dans l'agriculture, et que dans le commerce et l'industrie ils ne s'effectuaient qu'avec une extrême lenteur.
On prétendit que les crises se faisaient plus rares aujourd'hui, plus faibles, et que vraisemblablement les cartels et les trusts permettraient au Capital de les supprimer tout à fait.
On prétendit que la "théorie de la faillite" vers laquelle s'acheminait le capitalisme, était inconsistante, les antagonismes de classe ayant tendance à s'émousser, à s'atténuer."
(Lénine, Marxisme et révisionnisme).

La question alimentaire est cruciale pour les pays capitalistes. Elle est une donnée économique massive, une arme de destruction essentielle à l'égard des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.

Les exportations s'accélèrent en effet, en France comme aux USA. l'US Department of Agriculture prévoit, dans sa prévision 2003-2012, disponible en PDF ici, un énorme agrandissement des bénéfices aux exportations, mais également naturellement un accroissement faramineux de la production de viande.

Déjà, le total des exportations de viandes (boeuf, porc et volailles) des principaux pays exportateurs devrait atteindre 17,7 millions de tonnes en 2004, soit une augmentation de 5% sur 2003.

Les USA connaîtraient un accroissement de 3% avec 4,5 millions de tonnes, principalement en viande de poulet et de dinde. Compte tenu d'une concurrence accrue et des restrictions à l'import sur certains marchés, la part de marché des USA devrait être légèrement inférieure à 2003, mais représentant tout de même 25% du marché mondial!

On comprend que dans ce contexte, les aides à l'étranger ne soient qu'une couverture pour subventionner l'agrobusiness. Le marché, et particulièrement de la viande, est bien trop important.

L'agrobusiness est un élément vital pour le mode de production capitaliste.

La question du droit des animaux à exister de manière indépendante, sans interférence de l'humanité, ne se pose pas abstraitement. Elle est directement reliée à l'utilisation massive et destructrice des animaux dans le mode de production.