La ménagerie du jardin des plantes de Paris ![]() La ménagerie du Jardin des Plantes de Paris est un symbole. Celui du délire de la collection, du "style français" des études des animaux. Historiquement Louis XIV s'était établi une ménagerie importante à Versailles, et après sa mort le Régent vendit et donna des animaux, et Louis XV ne s'intéressera pas non plus à la ménagerie. A la révolution les républicains ne surent d'ailleurs pas quoi en faire, donnant même des singes, des cerfs et des oiseaux aux écorcheurs. Un projet de haras fut monté, qui remplaçerait les animaux "inutiles" du faste royal par des animaux servant à l'agriculture, le transport et l'armée. ![]() ![]() Bernardin de Saint-Pierre, intendant du Jardin du roi, adressa alors un mémoire à la Convention "sur la nécessité de joindre une ménagerie au Jardin national des Plantes de Paris". Jussieu et Lacépède donnèrent la caution scientifique en parlant de l'intérêt d'étudier des animaux acclimatés. Ce fut la naissance de la ménagerie du jardin des plantes institution scientifique qui aura plus de chaires que Polytechnique ou le Collège de France. ![]() En 1793 le département de la police de Paris ordonna, en dédommageant les propriétaires, que les animaux exhibés sur la voirie soient amenés au Jardin des plantes. Les animaux affluèrent et furent logés dans des remises car rien n'est prévu pour eux. Les forains étaient d'ailleurs recrutés comme gardiens. Le Comité de salut public décida alors d'allouer des crédits et d'amener les grilles et les cages restées à Versailles. ![]() ![]() Mais les conditions de vie des animaux restaient dramatiques et la mortalité très haute. Quasiment tous les animaux arrivés en 1794 furent morts dans l'année. Les "collections" furent pourtant refaites, parfois en provenance directe des conquêtes militaires. Geoffroy Saint-Hilaire, qui dirigea la ménagerie de 1802 à 1841, aidé de Frédéric Cuvier (le "garde de la ménagerie") entamèrent alors de nombreuses constructions (maisons des singes, fosses aux ours, rotondes pour les grands herbivores comme les éléphants, etc.) ![]() Le terrain fut modifié pour créer des nivellements, avec un système d'allées sinueuses : la ménagerie s'intègra dans une sorte de grand jardin, en rupture avec l'ordre des "jardins à la française" voisins. Le but : l'illusion d'être dans une nature pittoresque. C'était le principe issu de Bernardin de Saint-Pierre : pour étudier les animaux ceux-ci doivent être "comme dans la nature". D'où les idées de cavernes, de parcours escarpés, d'enclos aménagés, etc. ![]() Mais déjà les singes et les animaux "féroces" comme les lions étaient mis à l'écart, dans des bâtiments de style néoclassique. Eux servaient au prestige. Car la visée se prétendait scientifique. La bataille pour la dissection des dépouilles était même si grande qu'il a été nécessaire de créer en 1840-41 une "Commission pour la répartition des animaux morts à la ménagerie". En 1840 fut également installée une ménagerie expérimentale, dirigée par Flourens puis Claude Bernard et utilisant des chiens et des porcs. ![]() ![]() ![]() L'idée de Bernardin de Saint-Pierre était de domestiquer des espèces pour les rendre utiles, il s'agissait de l'idée de base pour la ménagerie, et Geoffroy Saint-Hilaire était également l'auteur d'un traité fameux à l'époque : "Acclimation et domestication des animaux utiles (1861). Il proposait l'introduction et la domestication du tapir, de l'antilope, de la gazelle, du kangourou, du nandou, etc. ![]() Objectif : la viande, le transport, la laine, etc. Cela aboutira à la naissance du jardin d'acclimation dans le bois de boulogne (domestication de yaks, de chèvres, de moutons, de lamas, de kangourous, de cerfs, de nandous, d'oiseaux, etc.) Un bilan du jardin expliquera en 1873 que le chameau est "méchant", que le zébu, le zèbre du Cap et l'éléphant d'Asie bons qu'à "promener les enfants". ![]() ![]() La ménagerie s'est alors repliée sur une conception défendant la mise en avant de collections, refusant toute transformation en centre zoologique visant à l'étude des comportements. L'idée de mise en situation des animaux dans la nature a cédé la place à l'organisation bibliothécaire, alignée des cages, comme éléments d'une collection vivante d'histoire naturelle. ![]() L'idée continue jusqu'à aujourd'hui : la ménagerie du Jardin des plantes se vante de faire partie de programmes à travers le monde visant à collectionner, sauvegarder les animaux existants. Les conditions de vie s'en ressentent. La volière est ainsi décrire en 1825 : "Les grands rapaces ne peuvent jamais y déployer leurs ailes, et tous ces oiseaux avides d'air et de lumière sont constamment relegués au fond d'une sorte d'armoire obscure; leur plumage, que la pluie ne lave jamais, ne peut avoir la netteté qui constitue l'une des beautés des oiseaux sauvages et ils sont toujours couverts d'une foule de parasites (Milne Edwards, La ménagerie) ![]() ![]() Ainsi, alors qu'à la fin du 19ème siècle la tendance dans les zoos européens (notamment Berlin, Londres) est aux enceintes extérieures, aux parcours, la France conserve l'idée d'un zoo musée. Regent's Park refait ses bâtiments, bâtit un "palais des lions" en 1876, d'une maison des singes, d'une pour félins (1904) avec des troncs d'arbres, des rochers, ou encore des enclos avec des bassins pour loutres, otaries et phoques (1905-1906) et même des volières végétalisées. ![]() ![]() La ménagerie s'autocongratule malgré tout. Le site officiel parle des "étonnants éléments d'architecture (datant pour la plupart du XVIIIe et du XIXe siècle)" et se vante que "la ménagerie est le plus ancien zoo du monde conservé dans son aspect d'origine". Une merveille que ces cages minuscules où les reptiles peuvent admirer de magnifiques trompe-l'oeil représentant des forêts. Ou bien ces arbres - bien réels cette fois - ceux du jardin, pour les humains, mais inacessibles pour les animaux confinés dans des enclos. ![]() Ces trompe-l'oeil ne sont que le cache-misère idéologique d'un zoo visités par les humains comme s'il s'agissait d'un musée de timbres ou de paquets de cigarettes: quelques secondes devant une cage et on passe à autre chose. Le jardin des plantes de paris dit lui-même qu'il "offre 4500 m2 de verdure habités par un millier d'animaux". La verdure est POUR les humains, les animaux n'étant que les "invités". La ménagerie est une partie du jardin, un "espace historique, espace de promenade...". ![]() ![]() ![]() La ménagerie explique ainsi lui-même qu'on est là pour amuser : "Visite toute en couleurs aux perroquets, salut aux pandas roux à travers les bambous, ou encore frissons dans la galerie des Reptiles ou la vallée des rapaces : le but récréatif du parc est évident." D'ailleurs les humains peuvent faire du bruit sans arrêt partout, surtout dans les salles des reptiles où tout résonne si fort... L'endroit se veut tranquillement un "lieu privilégié de contact avec le monde animal", une ménagerie "soucieuse du bien être de ses pensionnaires" (dépliant du zoo). ![]() Evidemment la grande justification morale est que "la ménagerie participe à de nombreux plans d'élevage d'animaux disparus ou menacés de disparition dans leurs milieux naturels". On y rencontre par exemple le fameux cheval de Przewalski, qui a été anéanti justement par les chasseurs afin de fournir... les zoos. ![]() ![]() Mais cette idée de zoos "sauvant" les animaux en voie de disparition n'a pas de sens. Car ce ne sont pas les animaux qui sont sauvés, mais leur potentiel génétique qui pourrait être éventuellement utilisé par les humains à des fins économiques. C'est l'histoire de la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris et à ce titre ces prétendus "sauvetages" se situent dans cette tradition. Le dépliant de la ménagerie dit que celle-ci "a pour mission de sensibiliser son public aux rôles majeurs des zoos dans la conservation et la préservation de la faune sauvage". Préserver la faune sauvage en mettant les animaux dans des cages???!!! Préserver le potentiel génétique pour les "chercheurs" oui ! ![]() ![]() L'idée de classifier les animaux et de les ranger dans des petites boîtes, comme dans le muséum d'histoire naturelle juste à côté de la ménagerie continue dans le mode de pensée des ménageries et des zoos. Mettre des oiseaux en cages est déjà de la folie, alors que dire d'oiseaux de Laponie se retrouvant enfermé à Paris? Des animaux prétextes à ce que la science justifie les délires de classification et d'utilisation systématique des animaux par les sociétés humaines. ![]() ![]() La ménagerie doit fermer, toutes les ménageries doivent fermer. Les animaux n'existent pas pour amuser quelques instants les visiteurs de la ménagerie du Jardin des Plantes, ni pour servir aux sadiques se prétendant scientifiques ! ![]() ![]() ![]() |